Pour Maria Montessori, qui voit l’éducation « comme une aide à la vie », le but ultime de l’éducation devrait être d’atteindre la paix dans le monde. Pour celle qui a connu deux guerres mondiales et a été nominée 3 fois au Prix Nobel de la paix, la réponse réside dans l’enfant : « L’enfant apparaîtrait parmi nous comme celui qui peut nous enseigner la paix. »
Mais pour la pédagogue, la paix ne se résume pas à l’absence de guerre. Il s’agit aussi d’un état d’harmonie intérieure qui doit être recherché dès la petite enfance pour construire les adultes épanouis qui deviendront les citoyens de demain.
Mais comment fait-on concrètement pour insuffler l’idée de paix aux enfants ? Comment leur donner l’exemple ? Quels aspects de l’éducation Montessori soutiennent la notion de paix ? Quels outils devrait-on offrir aux enfants pour leur permettre de nous montrer la voie ?
Pour Maria Montessori, la paix dans le monde passe forcément par le fait de reconsidérer la relation de l’adulte envers l’enfant, qu’elle appelle « le citoyen oublié ». Il faut mettre fin aux rapports de force, à l’éducation disciplinaire, à l’obéissance contrainte.
Au contraire, l’adulte, qu’il s’agisse du parent ou de l’éducateur, doit être dans une posture d’écoute, d’égal à égal avec l’enfant, avec pour but de l’accompagner sur le chemin de l’auto-éducation. Il ne doit pas considérer qu’il doit tout enseigner à l’enfant, car c’est ce dernier qui possède les clefs de sa propre éducation.
L’enfant doit apprendre à obéir à lui-même et non aux autres, à exercer son esprit critique dès le plus jeune âge. Le but à atteindre est l’auto-discipline et non l’obéissance.
« L’obéissance contrainte de l’enfant à la maison et à l’école, une obéissance qui ne prend pas en compte les droits de la raison ou de la justice, prépare un adulte qui se résignera à n’importe quoi et à tout. »
Pour apprendre le vivre-ensemble aux enfants, nous devons être un exemple pour eux. C’est en nous regardant évoluer que l’enfant apprend, bien plus qu’en nous écoutant.
À nous donc de leur montrer l’exemple dans nos interactions avec les autres adultes. Dans une école Montessori, l’éducateur doit être un modèle pour l’enfant dans les relations qu’il entretient avec les autres membres de l’équipe pédagogique ou avec les parents. L’enfant absorbera alors les notions de communication positive et de diplomatie nécessaires pour vivre en société.
Dans le décalogue de Maria Montessori, on retrouve « Ne dites jamais de mal d’un enfant devant lui ou en son absence ». Il en va de même pour les adultes. Pour apprendre la bienveillance, l’enfant doit en être témoin.
À la Maison des Enfants, l’éducateur et son assistant jouent des saynètes appelées « Grâce et courtoisie » devant les enfants. Elles leur permettent d’apprendre les codes de la vie en communauté, mais ne font qu’accentuer l’exemple donné par les adultes dans l’ambiance tout au long de la journée.
Un des points clés de la pédagogie Montessori consiste à fournir à l’enfant un environnement riche, capable de stimuler sa curiosité et de l’amener vers le développement de son plein potentiel. On apprend dès le plus jeune âge l’existence d’autres pays, d’autres langues, d’autres religions, d’autres coutumes grâce aux puzzles de géographie, aux activités sur les drapeaux, aux différentes lectures…
Les ambiances Montessori sont souvent bilingues, pour offrir à l’enfant une plus grande ouverture sur le monde. Les parents issus d’autres pays sont invités à venir partager avec les enfants des moments d’éveil autour de leur culture.
En apprenant dès la maternelle ce qui nous relie et ce qui nous différencie les uns des autres, on cultive la tolérance chez l’enfant.
En mettant à la disposition de l’enfant un environnement dans lequel il peut évoluer seul, on l’aide au quotidien à devenir de plus en plus autonome. C’est pour cela que dans les écoles Montessori, tout le matériel est à la portée des enfants, et le mobilier à leur échelle.
Il n’y a pas plus grande satisfaction pour le jeune enfant que d’être capable de faire seul. Ne pas avoir besoin de l’adulte l’aide à développer sa confiance et son estime de lui-même.
En favorisant l’autonomie de l’enfant, on évite des frustrations inutiles et on l’aide à construire son ordre intérieur. Il gagne en indépendance et en dignité. C’est pour Maria Montessori une clé pour que ces enfants deviennent des adultes épanouis, qui ne soient pas à la merci de leaders malintentionnés.
« Tout le monde parle de paix mais personne n’éduque à la paix. On éduque pour la compétition, et la compétition marque le début de toutes les guerres. Quand on éduquera pour la coopération et pour nous offrir les uns les autres de la solidarité, ce jour-là alors on éduquera pour la paix. »
Cela semble si évident, et pourtant… L’esprit de compétition est encore bien présent dans le système scolaire classique. Dans les écoles Montessori, il n’y a pas de système de notation, pour éviter d’évaluer les élèves les uns par rapport aux autres.
Chaque activité est présente en un unique exemplaire dans l’ambiance, ce qui permet à l’enfant de ne pas se comparer à ses camarades. L’enfant commence sa scolarité avec des cycles de travail autonome, puis lorsqu’il est en âge de travailler avec ses pairs, on lui propose des activités de coopération comme des recherches et des exposés à préparer.
De plus le mélange des âges au sein d’une même classe (3-6 ans puis 6-12 ans) permet aux enfants d’apprendre la coopération plutôt que la compétition. Les plus grands sont ravis de montrer aux plus petits ce qu’ils savent déjà faire. Chacun évolue à son propre rythme, sans injonction à avoir acquis telle ou telle compétence à un âge donné.
Maria Montessori déplorait la recherche de conformité au sein des écoles. Le but de son éducation « comme une aide à la vie » est d’apprendre à l’enfant à faire par lui-même, puis à penser par lui-même. C’est cette indépendance d’esprit qui doit être privilégiée pour former le citoyen de demain.
Il ne s’agit pas de les éduquer dans un univers parfait où tout le monde est toujours du même avis. Au contraire, les enfants ont besoin d‘apprendre les codes de la résolution de conflit dès le plus jeune âge. Valoriser la parole de chacun, apprendre à écouter, à exprimer ses émotions calmement, à défendre ses arguments, à arbitrer.
La participation démocratique est encouragée au sein de la classe, en particulier à partir de 7 ans, un âge où la notion de justice devient essentielle pour l’enfant. A la maison, au sein de la fratrie, on peut aussi mettre en place une forme de démocratie, pour que l’enfant sente que son opinion compte.
Pour Maria Montessori, la paix n’est pas seulement l’absence de guerre mais le résultat d’une harmonie intérieure propre à chaque individu. Et c’est le rôle de l’éducation d’aider l’enfant à atteindre cette tranquillité d’âme.
« L’établissement d’une paix durable est l’objet même de l’éducation, la responsabilité de la politique n’étant que de nous protéger de la guerre ».
Dès le plus jeune âge, l’adulte doit montrer l’exemple à l’enfant pour l’aider à trouver la paix intérieure : lui apprendre à mettre des mots sur ses émotions, à les gérer et à les exprimer.
Cela passe par la mise en place d’activités artistiques, qui permettent aux enfants d’exprimer leur sensibilité et d’apprendre à se connaitre aussi.
Il existe beaucoup d’outils de développement personnel accessibles même aux plus petits. De plus en plus d’écoles instaurent des moments de yoga, de méditation, de sophrologie… Ces pratiques aident l’enfant à gérer son anxiété et à se calmer, ce qui est indispensable pour devenir un adulte épanoui. On ne peut être en paix avec les autres sans être en paix avec soi-même.
Pour atteindre la paix intérieure, l’enfant doit aussi, selon Maria Montessori, être connecté avec le vivant. Cela passe par des moments de sortie dans la nature, d’expérience sur les plantations et la germination, ou simplement la présence de végétaux au sein de la classe.
Pour vivre en paix avec la nature, il faut apprendre à respecter le vivant et à expérimenter le rapport entre soi-même et son environnement. Comprendre l’importance de la faune et la flore dans sa propre existence.
Maria Montessori était, comme sur beaucoup de points, visionnaire en ce qui concerne la conscience écologique des enfants. Aujourd’hui plus que jamais, la notion de paix est interconnectée au respect du monde qui nous entoure.
« L’amour pour l’environnement est un sentiment spirituel dont l’homme fait l’expérience, comme d’une force qui l’élève, qui lui donne des éclairs de gloire ».
Maria Montessori, L’éducation et la paix, Editions Desclée de Brouwer, Paris, 2001