Depuis juillet 2021, le congé paternité en France est passé de 11 à 25 jours (à ajouter aux 3 jours de congés suivant la naissance d’un enfant, portant ainsi le nombre de jours à 28 pour les pères). Pourtant malgré cet allongement, la France est encore loin derrière plusieurs états européens.
Le congé paternité a été créé en 2002 et était initialement d’une durée de 11 jours. Auparavant, les hommes bénéficiaient seulement de 3 jours de congés pour la naissance de leur enfant depuis 1946. Il faudra donc attendre les années 2000 et le gouvernement Jospin pour que ce congé voit le jour, notamment pour lutter contre les inégalités hommes/femmes. Mais il n’avait à l’époque pas de caractère obligatoire.
Le premier juillet 2021 est entré en vigueur le prolongement du congé paternité à 25 jours, dont 7 jours obligatoires. Il représente un nouveau pas vers l’égalité homme/femme, mais aussi la prise en compte des recommandations de la Commission des 1000 premiers jours lancée par Emmanuel Macron en 2019 et présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Il s’agit d’une reconnaissance de l’importance du lien entre le père et son enfant et de sa présence indispensable au bon développement de ce dernier.
Conscient des disparités concernant la prise ou non de ce congé paternité, le gouvernement a cette fois décidé qu’une semaine serait obligatoire afin d’inciter les salariés à en profiter.
En 2019, un tiers des pères ne prenait pas leur congé paternité. Différentes raisons sont en cause selon les milieux sociaux. Les salariés précaires ont peur d’être pénalisés en prenant ce congé, notamment pour ceux en contrat temporaire, ou ceux en CDD qui n’étaient que 65% à bénéficier de ces 11 jours d’absence : peur de ne pas être reconduit, de ne pas évoluer dans l’entreprise…
Dans les petites entreprises, il est également plus difficile pour les salariés de s’absenter sans faire retomber sa charge de travail sur ses collègues. En ce qui concerne les indépendants, même s’ils ont sur le papier droit à un congé paternité identique s’ils peuvent justifier de plus de 10 mois d’affiliation, il est dans la réalité difficile « d’abandonner » ses clients ou son exploitation lorsqu’on travaille seul.
En ce qui concerne les milieux plus aisés, c’est le plafonnement des indemnités qui est en cause : le père verra sa fiche de paie diminuer à partir d’un certain niveau de revenus. Pas facile quand on sait que l’arrivée d’un enfant engendre des frais financiers !
De manière générale, le regard de la société évolue lentement en ce qui concerne le congé paternité. Le prendre n’est pas encore toujours « bien vu », et rares sont les entreprises qui incitent leurs salariés à en bénéficier.
Depuis son évolution en juillet dernier, 7 des 25 jours du nouveau congé paternité sont désormais obligatoires. Mais est-ce suffisant ?
Le rendre obligatoire dans sa globalité permettrait aux salariés inquiets pour leur carrière d’en bénéficier sans en craindre les répercussions.
Selon l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) : « on peut penser que le caractère obligatoire du congé rendra caduques la plupart des raisons liées à l’environnement professionnel invoquées par les pères pour ne pas prendre le congé : précarité de l’emploi, charge de travail, jugement des pairs ou pressions de l’employeur ou du management… ».
Cependant, pour que les employés les plus aisés puissent le prendre sans perte de salaire, il faudrait que les entreprises s’engagent à compenser le manque à gagner sur leur fiche de paie, comme c’était déjà le cas dans certaines entreprises privées signataires du Parental Act, qui s’engageait à offrir un mois de congés rémunéré à 100% au second parent avant même la réforme du congé paternité.
« Prendre ce temps en famille ne doit être ni tabou ni discriminant (…) Cela est, pour nous, un droit fondamental pour tout salarié, et un devoir pour l’entreprise » (les entreprises signataires du Parental Act).
Rendre le congé paternité obligatoire représenterait une avancée pour l’égalité des sexes. Les employeurs sont encore aujourd’hui frileux lors de l’embauche d’une femme à cause de la possibilité d’un congé maternité à venir. Loger hommes et femmes à la même enseigne permettrait de diminuer ces discriminations.
Le congé maternité et paternité est une première étape qui permettrait, s’ils étaient d’une durée équivalente et obligatoires pour les deux parents, de commencer sa vie de famille avec une répartition des tâches et de la charge mentale plus juste.
Cependant, le congé paternité ne doit être qu’une mesure parmi d’autres visant à mettre fin aux discriminations des genres et à porter un regard nouveau sur la place du père, comme le souligne l’IGAS :
« Au regard des objectifs poursuivis comme des besoins qui peuvent être recensés, le congé paternité apparait comme une « première marche » d’un continuum de mesures visant à progresser en matière d’égalité professionnelle, d’évolution du rôle des pères à l’égard de leur enfant et au sein de la famille ».
L’IGAS rappelle également dans son rapport l’importance de la présence du deuxième parent pendant la période du post-partum : « Indépendamment du suivi médical et paramédical, le congé paternité, en permettant à la mère de ne pas rester isolée, permet d’accroitre la sécurité sanitaire de la mère et de l’enfant, notamment dans un contexte de raccourcissement de la durée du séjour à la maternité ».
La présence du père est un élément déterminant dans l’équilibre de la famille dans la période de forte vulnérabilité que représente le post-partum. D’après le rapport de la commission des 1000 premiers jours, « les dépressions périnatales sont des troubles répandus mais mal connus et mal détectés ».
Le rapport de la Commission des 1000 premiers jours rappelle également que le congé paternité permet la création du lien d’attachement, fondamental dans le développement et la santé mentale et physique de l’enfant :
« Plus le congé paternité est long, plus la sensibilité du père/ second parent à l’enfant est grande. Le congé de paternité renforce la relation père-enfant. Un congé réservé au père de quelques semaines seulement entraîne déjà une plus grande participation du père aux soins et à l’éveil de son enfant ».
L’engagement du père auprès de l’enfant pendant les premières semaines de vie du nourrisson ne favorise pas seulement le lien père-enfant, mais également le lien mère-enfant, en déchargeant celle-ci d’une partie de la logistique familiale, lui permettant ainsi de bénéficier de moments de qualité auprès de son enfant pour communiquer avec lui et créer le lien d’attachement.
« Ainsi, il faut du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle de la part des parents pour qu’ils construisent avec leur bébé une relation harmonieuse. C’est en disposant de ce temps qu’ils pourront soutenir l’établissement d’un lien d’attachement sécure chez leur enfant et accompagner au mieux son développement socio-émotionnel et cognitif ».
Rapport IGAS n°2018-022R
Rapport de la commission des 1000 premiers jours, septembre 2020