Le rôle de l’éducateur Montessori

« Apprendre à faire par soi-même », développement de l’autonomie, matériel pédagogique en libre accès, contrôle de l’erreur permettant l’auto-correction… Quand on commence à s’intéresser à la pédagogie Montessori, on peut avoir l’impression que les enfants travaillent seuls dans les petites fourmilières que sont les écoles Montessori.

Pourtant même si le rôle de l’éducateur Montessori est différent de celui du professeur des écoles du système d’enseignement classique, il n’en demeure pas moins primordial dans les ambiances Montessori. Il s’agit même d’un métier exigeant qui demande en plus des connaissances théoriques et pratiques une bonne dose d’humilité et de remise en question de ce que l’on pensait savoir sur l’enfant.

Alors quel est le rôle de l’éducateur Montessori ? Quelles sont ses missions au sein de l’ambiance préparée ? Quelle place tient celle que Maria Montessori appelait « la nouvelle maîtresse » dans la vie de l’enfant ?

La préparation de l’ambiance

Maria Montessori décrit dans ses ouvrages la maîtresse comme une sorte de gardienne du temple qu’est la classe Montessori, appelée ambiance. C’est elle qui choisit la répartition des 4 aires (aire de vie pratique, aire du matériel sensoriel, aire des mathématiques, aire du langage) au sein de l’espace et y dispose le matériel pédagogique.

Troisième boîte de triangles constructeurs, cube du binôme, table de Seguin… Elle doit connaître les activités de la Maison des Enfants sur le bout des doigts et pouvoir les situer en un coup d’œil sur les étagères de l’ambiance. Mais elle doit surtout aider les enfants à se repérer eux-mêmes dans l’ambiance, répondant ainsi à leur besoin d’ordre et d’autonomie. Pour être un lieu de construction pour les individus en devenir, l’ambiance doit être spacieuse, lumineuse, épurée, ordonnée et esthétique. Tout un art…

L’éducateur Montessori doit aussi mettre à disposition des enfants de quoi vivre au quotidien en autonomie : un vestiaire adapté pour faciliter la séparation avec les parents, des verres pour qu’ils puissent se servir à boire, des récipients, économes et couteaux adaptés pour se préparer un fruit en guise d’encas, des balais, balayettes et pelles adaptés à leur taille pour pouvoir nettoyer si besoin… Les enfants doivent se sentir comme à la maison à la « Maison des Enfants » !

Le soin de l'ambiance

Une fois l’ambiance parfaite aux yeux de l’éducateur créée, il s’agit de la garder intacte… Pas une mince affaire lorsqu’une trentaine d’enfants y travaillent chaque jour !
Au quotidien, inlassablement, l’éducateur doit veiller à ce que sa classe conserve ses qualités constructrices pour l’enfant : le matériel rangé et en bon état, les crayons taillés, les réserves de papier pleines, les éponges humidifiées…

« Les agréments essentiels d’une maison sont la propreté et l’ordre (…) A l’école, le premier soin de la maîtresse doit être le même : ordre et soin du matériel, afin qu’il soit toujours beau, clair et en parfait état ; que rien ne manque ; pour l’enfant, tout doit paraître neuf, complet et prêt à servir. »

Des tâches ponctuelles se rajoutent à celles du quotidien. Il est important d’avoir une bibliothèque dans la classe mais elle ne doit pas contenir trop de livres pour ne pas éparpiller la concentration des enfants. L’éducateur doit donc en proposer de nouveaux ou faire tourner son stock très régulièrement. Certaines activités destinées à l’accueil des plus petits en tout début d’année scolaire comme les sets de piquage ou les perles à enfiler ne doivent pas restées trop longtemps sur les étagères pour que les enfants partent à la découverte d’autres activités. C’est à l’éducateur de décider du bon moment pour les retirer. L’éducateur est responsable de l’évolution de l’ambiance tout au long de l’année.

Le travail de l’éducateur commence donc avant l’arrivée des enfants le matin et se termine après leur départ, car il doit avoir l’esprit libéré de ces tâches pendant la journée pour se consacrer pleinement à l’observation et au développement du potentiel de l’enfant.

L’art de la présentation

Chaque activité Montessori doit être présentée à l’enfant de manière individuelle. L’éducateur Montessori consacre donc une bonne partie de sa journée à ses présentations.

« Son devoir, toutefois actif, peut s’apprendre clairement et facilement : être l’entité qui met l’enfant en rapport avec son réactif. Elle doit savoir choisir l’objet et le présenter de façon à susciter l’intérêt de l’enfant. »

Là aussi, rien n’est laissé au hasard. L’éducateur doit savoir quand présenter tel ou tel matériel selon le stade de développement de l’enfant en question. L’enfant commence à nommer les couleurs pendant les activités ? C’est sûrement le bon moment pour introduire la boite de couleur si ce n’est pas déjà fait ! Il tourne autour des activités de langage, est curieux des lettres utilisées par les plus grands ? Il doit vite être introduit aux lettres rugueuses, petit à petit, afin de toutes les connaitre avant l’explosion du langage écrit, que Maria Montessori situe vers 4 ans et demi.

La présentation doit être maitrisée, calme, précise, et l’éducateur doit utiliser le moins de mots possible. C’est un moment fort de transmission entre l’adulte et l’enfant. Pour que l’enfant puisse ensuite répéter l’activité en autonomie, l’éducateur doit être parfaitement concentré pendant la présentation pour lui donner les clefs de l’activité indépendante. Il reste ensuite auprès de l’enfant pour sa première utilisation du matériel, sans l’interrompre ni le juger. Il lui montre combien il est important en lui dédiant ce temps.

La protection du travail

C’est une des règles d’or dans une ambiance Montessori : on ne doit pas déranger un enfant concentré sur une activité, que l’on soit un adulte ou un autre enfant. Une des missions de l’éducateur consiste donc à protéger le travail en cours.

« La maîtresse « veille » à ce que l’enfant absorbé dans son travail ne soit dérangé par aucun autre ; et ce rôle d’« ange gardien » répond à un de ses devoirs les plus précieux. »

Pour pouvoir être parfaitement concentré pendant une présentation, l’éducateur doit être libéré de la surveillance du reste des élèves. Il ne doit pas avoir à s’interrompre pour répondre à une question ou aider à régler un conflit lorsqu’il travaille avec un enfant. Un autre adulte doit donc être le garant de la protection du travail des enfants pendant les temps de présentation.

C’est en général le rôle de l’assistant dans une ambiance Montessori, mais selon la configuration de l’équipe pédagogique, l’éducateur peut aussi être amené à effectuer cette tâche. C’est le cas s’il y a deux éducateurs et pas d’assistant dans l’ambiance par exemple. Mais il faut que les enfants comprennent facilement à qui ils doivent s’adresser pour recevoir de l’aide. Si les deux adultes échangent les rôles régulièrement, ils font en sorte de porter sur eux un signe distinctif, comme un tablier par exemple.

L’observation

Cette partie du travail de l’éducateur est primordiale, mais trop souvent oubliée dans le tumulte de la vie quotidienne des écoles…

Pour Maria Montessori, qui a travaillé tout au long de sa vie dans une démarche scientifique, il est nécessaire pour l’éducateur d’observer l’enfant pour pouvoir le situer sur le chemin de la concentration et dans ses apprentissages. Cela lui permet de prendre du recul sur sa pratique, d’éviter de juger ou de réagir de manière impulsive.

Concrètement, l’éducateur choisit un moment de la journée où il va se mettre en retrait dans l’ambiance pour observer un ou plusieurs enfants en prenant des notes. Les enfants savent qu’il ne doit pas être dérangé à ce moment-là. Et lui doit se retenir d’interagir avec eux ! Il doit auparavant avoir choisi un objectif pour son observation : le langage, la motricité fine ou globale, le degré d’ordre dans l’activité, le développement social, celui de l’indépendance…

Il analyse ensuite ses notes, si possible lors d’une session de travail en équipe, dans le but de situer l’enfant sur le chemin de sa construction intérieure. Il pourra ainsi lister les présentations à réaliser avec l’enfant, dans le but de lui apporter ce que Maria Montessori appelait « l’aide utile ».

Vous l’avez compris, les missions de l’éducateur Montessori sont multiples et à la fois concrètes, pédagogiques et scientifiques ! Elles ne se limitent pas aux horaires d’ouverture de l’école aux enfants. Elles commencent tôt le matin avant l’arrivée des élèves et se terminent parfois tard le soir. Car l’éducateur joue aussi un rôle dans la vie des familles : un autre aspect de son travail consiste à communiquer avec les parents, de manière informelle à la sortie de l’école ou lors de rendez-vous organisés par l’école. Il doit s’assurer que l’enfant reçoive à la maison une certaine continuité dans l’encouragement de l’autonomie, la stimulation de sa curiosité, le respect apporté à ses besoins…

Il doit également pouvoir échanger très régulièrement avec ses collègues lors de réunions d’équipe. Car l’éducateur est avant tout le garant de l’application de l’esprit montessorien dans l’école. Ayant reçu une solide formation théorique, il doit jour après jour pouvoir se sentir fidèle aux grands principes de psychopédagogie Montessoriens et œuvrer au quotidien pour le bien-être de celui que Maria Montessori appelait « le père de l’Homme ».

N’oubliez pas qu’en tant que parents, vous êtes les premiers éducateurs de votre/vos enfant(s) ! N’hésitez pas à vous inspirer des missions de l’éducateur dans votre parentalité : préparer dans votre foyer un environnement adapté à l’enfant, lui montrer les gestes du quotidien pour qu’il puisse les répéter, observer son évolution… Besoin d’un coup de pouce pour apprendre à appliquer les principes de la pédagogie Montessori à la maison ? Des formations sont disponibles pour vous aider, car oui, être parent, cela s’apprend !

Sources

Maria Montessori, L’Esprit absorbant de l’Enfant, Editions Desclée de Brouwer, Paris, 2010.
Maria Montessori, La Découverte de l’Enfant (Pédagogie scientifique Tome 1), Editions Desclée de Brouwer, Paris, 2016.

Rencontre avec Jane, éducatrice Domissori

Cette semaine nous sommes partis à la rencontre de Jane, éducatrice Domissori dans la région grenobloise. L’occasion pour nous de recueillir son ressenti sur l’offre « Je m’éveille ».
Cette britannique d’origine est passionnée par la pédagogie Montessori et l’enseignement des langues vivantes. Last but not least, c’est une pro de la communication non-violente et de l’intelligence émotionnelle.
Nous nous devions de vous la présenter !

Peux-tu nous parler de ton parcours jusqu’à Domissori ?

Je suis originaire du Nord-Est du Royaume Uni, près de Newcastle, j’ai ensuite étudié la littérature à Londres. J’y ai rencontré mon mari, un français venu étudié en Erasmus. Après ma licence, nous nous sommes installés à Paris où j’ai étudié l’anglais langue étrangère, puis j’ai suivi une maîtrise de lettres à la Sorbonne.

Après avoir élevé mes trois enfants à Grenoble, j’ai commencé à donner des cours d’anglais, et j’ai notamment travaillé dans plusieurs écoles Montessori. J’ai eu le coup de foudre pour cette pédagogie !

J’y ai en fait retrouvé beaucoup de ce que j’avais connu en Angleterre. J’ai l’impression que là-bas on applique naturellement cette pédagogie depuis longtemps…

J’ai enchaîné les formations Montessori : le diplôme d’assistante 3-6 ans de l’AMI (Association Montessori Internationale), les formations d’éducatrice 0-3 ans et 3-6 ans de la NAMC (North American Montessori Center, au Canada). J’ai travaillé dans des écoles de langues comme Les Petits Bilingues, dans des collèges, avec des enfants autistes. J’ai aussi fait du théâtre en anglais pour une association.

Mais ce que je préfère, c’est vraiment travailler en individuel en intervenant au domicile des familles. C’est la raison pour laquelle je me suis rapprochée de Domissori.

Comment fonctionnent tes ateliers linguistiques ?

Je travaille en immersion dans ma langue natale, en utilisant Montessori mais pas seulement. On cuisine, on fait des expériences scientifiques, de l’art plastique, du bricolage, du jardinage… in English ! Le langage est partout.

Chaque moment de la journée peut devenir une occasion d’apprendre.

Je m’adapte aux enfants et aux parents. C’est génial de pouvoir suivre le rythme et l’intérêt des enfants. Quel luxe de pouvoir aller au fond des choses, d’approfondir sur leurs passions ! Ce n’est pas possible lorsqu’on travaille avec un groupe d’enfants. Si l’on suit les envies de l’enfant, il se passionne, donc il apprend…

Que penses-tu de la nouvelle offre « Je m'éveille » pour les 0-3 ans ?

C’est parfait car c’est là qu’il faut commencer ! On a enfin compris que tout se joue très tôt. L’enfant a un incroyable potentiel dès la naissance : ce que disait Maria Montessori est maintenant prouvé scientifiquement. Et c’est particulièrement vrai pour l’enseignement des langues vivantes : plus on commence tôt et plus c’est facile.

De plus j’aime l’idée que cette offre, mais aussi les gardes éducatives de Domissori pour les plus grands, soit accessible à toutes les bourses grâce au partenariat avec la CAF. L’aspect financier était jusqu’ici le problème de la pédagogie Montessori en France. Je suis heureuse de pouvoir aider à changer cela avec Domissori.

J’aime aussi l’idée d’apporter du soutien aux parents en tant qu’éducatrice à plein temps dans une famille. C’est en aidant les familles qu’on aidera la société à évoluer dans le bon sens.

C’est ça, l’éducation pour la paix de Maria Montessori !

Quel sont les petits plus que tu souhaites apporter aux familles ?

Je m’intéresse à ce qu’on appelle l’ESL : Emotional and Social Learning. Je pense qu’on doit donner d’autres clés aux enfants que ce que contiennent les programmes actuels, à travers le yoga, la méditation, la pleine conscience, la communication non- violente.

C’est ce qui manque dans notre système actuel. Selon moi, on pourrait enlever la moitié du programme en maths pour enfin parler de santé mentale à l’école !

Que préfères-tu dans la proposition pédagogique de Maria Montessori ?

L’idée du respect de l’enfant. On a encore beaucoup de travail à ce sujet malheureusement. On leur crie dessus, on les humilie, et on leur demande ensuite de nous respecter ? C’est surprenant.

Je crois vraiment que nous devons être des modèles pour l’enfant. C’est à travers notre comportement que l’enfant apprend : parlons-lui correctement, faisons preuve d’empathie, bannissons toute violence si nous voulons qu’il en fasse de même.

Nul ne sert de blâmer les anciennes méthodes d’éducation. Il faut plutôt aider la nouvelle génération de parents à enfin mettre en place ce respect.

Mais je suis très optimiste au sujet de ce changement dans les méthodes éducatives ! Les choses sont en train de bouger. Domissori en est la preuve.

Un grand merci à Jane de s’être prêtée au jeu de l’interview !